Dividende ou rachat de titres: comment choisir?
L’actionnaire ou associé d’une société soumise à l’impôt sur les sociétés peut appréhender la trésorerie excédentaire de sa société de deux manières différentes au plan juridique : une distribution de dividendes ou un rachat de ses titres par sa société, suivie de leur annulation.
On parlera dans ce dernier cas d’une réduction de capital « non motivée par les pertes ».
Ces deux modes d’attribution des liquidités de l’entreprise contrôlée, parfaitement légaux, reçoivent toutefois un traitement fiscal distinct.
En effet, si l’un et l’autre entrent de plein droit dans le champ d’application du Prélèvement Forfaitaire Unique (PFU ou « flat tax »), l’option pour le barème progressif s’appliquera sur une assiette différente pouvant conduire, dans certains cas, à rendre le rachat de titres plus avantageux que le dividende.
- Dividende ou rachat de titres : l’attrait des abattements pour durée de détention
- Dividende ou rachat de titres : illustration
- Choix entre distribution et réduction de capital : quid de l’abus de droit ?
Dividende ou rachat de titres : l’attrait des abattements pour durée de détention
Avec l’instauration généralisée du PFU, opérer une distribution de dividende ou rachat de titres par réduction de capital devrait emporter des conséquences fiscales identiques.
En effet, le régime du PFU a permis d’unifier les différents régimes existants en généralisant, pour les dividendes et les plus-values de cessions de titres, l’application d’une taxation unique de 30%, ventilée entre impôt sur le revenu (12,8%) et prélèvements sociaux (17,2%), avec une possibilité d’opter pour le barème progressif.
A un détail près : l’assiette de taxation soumise au PFU ou au barème sur option n’est pas la même selon que l’on déclare un dividende ou une plus-value.
En cas de rachat de ses titres par la société, suivi de leur annulation, l’associé recevra un montant identique à celui qu’il aurait perçu en cas de distribution de dividende.
Mais au plan fiscal, le rachat de titres conduit à taxer une plus-value, tenant compte d’une part du prix de revient des titres rachetés et d’autre part, en cas d’option pour le barème progressif, des potentiels abattements pour durée de détention si les titres ont été acquis avant le 1er janvier 2018.
En d’autres termes, l’assiette imposable pourra dans certains cas être nettement inférieure au montant que l’associé concerné aurait dû déclarer en cas de perception d’un dividende d’un égal montant.
Illustration chiffrée.
Dividende ou rachat de titres : illustration
Prenons le cas d’un actionnaire non gérant d’une SARL à l’IS constituée en 2004 détenant 500 actions souscrites à la constitution pour leur valeur nominale (100 €) et représentant la moitié du capital.
La société dispose de réserves pour un montant de 300 000 € et nous supposerons, par simplicité, que la valeur de la société correspond au montant des réserves (soit une valeur vénale de 300 € par action).
Cet actionnaire souhaite se voir attribuer une somme de 150 000 € prélevée sur les réserves de la société. Par hypothèse, son taux marginal est de 45%.
S’il reçoit cette somme par voie de distribution de dividendes, son imposition sera la suivante :
- En cas d’application du PFU : le dividende sera taxé au taux global de 30% soit une imposition totale de 45 000 €
- En cas d’option pour le barème progressif :
- le dividende sera taxé pour sa totalité aux prélèvement sociaux (taux de 17,2%), soit 25 800 €
- et, à l’IR, sur une assiette après abattement de 40% égale à 90 000 €, soit une imposition de 40 500 € (taux marginal de 45%)
Soit une imposition totale de 66 300 € en cas d’option pour le barème progressif.
L’option pour le barème progressif est donc particulièrement pénalisante dans cette hypothèse (+ 21 300 € par rapport au PFU).
Voyons ce qu’il en est en cas de rachat des titres de l’associé par la société, suivi de leur annulation.
Pour obtenir une somme de 150 000 €, la société doit racheter à l’associé la totalité de ses 500 actions retenues pour une valeur vénale de 300 € (500 actions).
L’assiette brute de la plus-value correspond dans ce cas à la différence entre le prix de rachat (150 000 €) et le prix de revient des titres (50 000 €) soit une plus-brute de 100 000 €.
- En cas d’application du PFU : la plus-value sera taxée au taux global de 30% soit une imposition globale de 30 000 €
- En cas d’option pour le barème progressif, l’assiette retenue pour le calcul de l’IR sera diminuée des abattements pour durée de détention, soit l’abattement renforcé de 85% au cas particulier (acquisition des titres dans les 10 ans, détention de plus de 8 ans) :
- La plus-value sera taxée pour sa totalité aux prélèvements sociaux (taux de 17,2%) soit 17 200 €
- Et, à l’IR, sur une assiette après abattement de 85% égale à 15 000 €, soit une imposition de 6 750 €
Soit une imposition totale de 23 950 € en cas d’option pour le barème progressif.
La voie du rachat de titres est donc largement plus favorable dans cette configuration, conduisant à une économie d’impôt allant du simple au double, voire au triple.
Choix entre distribution et réduction de capital : quid de l’abus de droit ?
Compte de l’économie d’impôt potentiellement réalisée selon que suive l’une ou l’autre de ces modalités alternatives, on peut légitimement se poser la question de l’abus de droit.
Cette question s’avère d’autant plus pertinente compte tenu de l’entrée en vigueur du mini abus de droit qui s’applique aux opérations réalisées depuis le 1er janvier 2020.
De notre côté, le risque de remise en cause du choix opéré par le contribuable sur le fondement du mini abus de droit, et a fortiori de l’abus de droit, nous apparaît faible en pratique et ne devrait en réalité viser que des situations caricaturales.
En effet, la poursuite d’un but principalement fiscal paraît difficile à caractériser dans la plupart des situations dès lors qu’il sera aisé de justifier d’autres motifs à la réduction de capital, au moins aussi importants que l’économie d’impôt en découlant (retrait d’un associé, réduction de l’exposition au risque entrepreneurial etc.).
D’autre part, la contrariété aux objectifs du législateur par l’application littérale de la loi pourra être aisément contestée.
Relevons à cet égard que la modification du régime des rachats de titres opérée en 2014 avait précisément pour objet de d’appliquer à de telles opérations le régime des plus-values, opérations antérieurement soumises au régime des distributions.