Le régime d’intégration fiscale est-il toujours intéressant en 2021?
Lors de son instauration en 1988, le régime de l’intégration avait un objectif simple: permettre de rendre la société de tête d’un groupe seule redevable de l’impôt sur les sociétés.
Source de simplification et d’élimination des frottements fiscaux intragroupe, le régime d’intégration fiscale, dont la mise en place est optionnelle, a été longtemps plébiscité puis, au gré des aménagements législatifs successifs, a perdu progressivement de son attractivité.
Les inconvénients du régime d’intégration, bien connus des praticiens, ne doivent pas être minimisés et sont principalement liés aux conséquences de la consolidation de certains seuils (CVAE, taux réduit etc.).
Pour autant, il reste un certain nombre d’arguments valides qui justifient de mettre en place une intégration fiscale au sein d’un groupe, y compris depuis la réforme de 2019 qui aménage certaines règles propres au régime d’intégration fiscale.
- Intégration fiscale et consolidation des résultats fiscaux
- L’intérêt de l’intégration fiscale dans les opérations de LBO
- Intégration fiscale et LF 2019: quelles contraintes?
L’intérêt non démenti de l’effet de consolidation de l’intégration fiscale
Sans surprise, même aujourd’hui, le principal intérêt de l’intégration réside dans la possibilité d’agréger les résultats fiscaux des sociétés membres du groupe.
Concrètement, l’intégration fiscale permet d’utiliser les déficits des uns sur les bénéfices des autres et ainsi réaliser des économies d’impôt à l’échelle du groupe.
Il est notamment particulièrement efficace de mettre en place un groupe d’intégration fiscale lors de la réalisation d’investissements nécessitant une phase d’amorçage durant laquelle des pertes opérationnelles vont être réalisées et que, par ailleurs, les autres branches d’activités du groupe sont profitables.
De fait, les pertes de la filiale porteuse de l’investissement seront utilisées pour réduire le résultat d’ensemble et donc réaliser des économies d’IS qui permettront de financer les nouvelles activités.
L’effort de financement en ressources propres ou externes se trouve ainsi réduit par le biais des économies d’impôts réalisées dans le cadre du régime d’intégration fiscale.
Il faut toutefois souligner que, dans l’intégration fiscale, le seuil d’assujettissement à la contribution sociale sur les bénéfices (CSB) s’apprécie en additionnant le chiffre d’affaires de l’ensemble des sociétés du groupe étant précisé que l’abattement de 763 000 € sur l’IS s’applique une seule fois sur l’IS calculé sur le résultat d’ensemble. Pour autant en pratique, cet inconvénient ne concerne que les groupes d’une taille significative.
Enfin, l’utilisation des crédits d’impôt est améliorée dans l’intégration fiscale car l’IS du groupe peut être acquitté au moyen de crédits d’impôts de filiales dont la situation n’est pas suffisamment profitable pour en permettre l’utilisation à un niveau individuel.
Là encore, l’amélioration des besoins en trésorerie du groupe peut s’avérer significatif.
L’attrait indéniable de l’intégration fiscale dans les opérations de reprise de type LBO
L’acquisition d’une société cible au travers d’une holding de rachat est un montage juridique et fiscal permettant un double effet de levier financier et fiscal.
Financier d’abord car c’est la société cible qui financera par le biais de dividendes la dette senior souscrite par la holding pour acquérir les titres.
Fiscal ensuite car les dividendes remontés à la société holding de rachat subiront une fiscalité très faible, c’est à dire à hauteur d’une quote-part de 5% dans le régime de droit commun, quote-part sur laquelle viendront s’imputer les charges d’intérêts annuels, dans la limite des règles de sous-capitalisation (rarement applicables en cas de financement par endettement bancaire).
En sortie d’investissement, la plus-value de revente bénéficiera d’un régime de quasi-exonération (taxation à hauteur d’une quote-part égale à 12%).
Les montages de type LBO sont donc particulièrement attrayants compte tenu de ce double effet de levier.
L’option pour l’intégration fiscale permet alors d’optimiser encore plus les flux fiscaux découlant de ce montage, y compris en cas d’animation de la holding de rachat (par exemple dans le cas de rachat par un pool de managers, regroupés au sein de la holding).
En effet, dans l’intégration, le taux de la quote-part taxable des dividendes versés par la filiale s’établit à 1% (soit un taux effectif d’IS de 0,25% à partir de 2022 contre 1,25% hors intégration).
Par ailleurs, ce taux réduit est susceptible de s’appliquer aux dividendes reçus en provenance de filiales établies dans l’UE ou l’EEE, par définition non intégrées (mais détenues à 95% au moins). L’intégration est donc particulièrement intéressante lorsque la holding détient par ailleurs des filiales étrangères.
Enfin, si la holding est structurellement déficitaire au plan fiscal, ce qui sera le cas lorsque la quote-part taxable des dividendes perçus ne couvre pas ses frais généraux et les frais financiers, alors l’intégration fiscale permettra l’imputation des déficits de la société holding sur les résultats de la filiale acquise.
Les aménagements de la loi de finances pour 2019 sur le régime d’intégration fiscale: des contraintes à relativiser
La loi de finances pour 2019 a introduit certaines modifications du régime d’intégration fiscale qui, en première analyse, peuvent diminuer l’attrait dont bénéficiait jusqu’alors ce régime.
Ces aménagements portent essentiellement sur deux points: la fin de la neutralisation des plus-values de cession de participation intragroupe et des subventions intragroupe.
Pour autant, ces nouvelles règles, qui tendent à aligner le régime de l’intégration sur le régime de droit commun, ont un champ d’application relativement restreint et concernent opérations bien spécifiques et en principe exceptionnelles au sein des groupes.
En tout état de cause, ces aménagements ne justifient pas, à eux seuls, de renoncer au bénéfice de l’intégration fiscale.
Par ailleurs, il n’est pas inutile de rappeler que la réalisation, entre sociétés membres, de prestations ou de livraisons de bien « à prix coûtant » ne constitue pas une subvention taxable. En effet, dès lors que le prix de ces opérations intragroupe se situe entre le prix de revient et le prix de marché, aucun retraitement n’est requis au titre du résultat individuel des sociétés concernées.
Cette dérogation spécifique à l’intégration participe d’une moindre mobilisation des besoins en trésorerie dans les relations entre sociétés membres d’un même groupe.
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